Les pharmaciens étaient appelés à fermer boutique et à manifester le 26 janvier. Cela à l’appel du deuxième syndicat de la profession, l’Union des syndicats des pharmaciens d’officine (USPO). Selon eux, la baisse du prix de certains médicaments fragilise leurs marges et pourrait entraîner la formation de « déserts pharmaceutiques ».
Une partie des croix vertes sont restées éteintes en France. Les pharmaciens étaient invités à baisser le rideau et à exprimer leur colère devant les caisses primaires d’assurance-maladie. À Paris, plus d’une cinquantaine de personnes, certaines en blouses blanches, se sont rassemblées devant le siège de l’Assurance maladie avenue du Professeur André Lemiierre dans le XXe arrondissement. Les manifestants arboraient des pancartes et banderoles sur lesquelles on pouvait lire « l’accès aux soins en danger » ou encore « la pharmacie toujours à côté des patients ».
« Les pouvoirs publics font des économies très importantes sur le médicament. Mais ils n’ont pas mesuré l’impact sur la profession », a expliqué ce jeudi à l’AFP le président de l’USPO, Gilles Bonnefond. « Nous sommes d’accord pour nous réformer, mais nous voulons un financement et de la visibilité sur l’avenir ». Et d’ajouter à France info : « Les laboratoires peuvent supporter ces économies, parce qu’ils rattrapent sur les médicaments qui sont mis à disposition de l’hôpital. Mais nous, nous n’avons aucune corde de rattrapage ».
Changer le modèle économique
Ces économies – entre baisse des prix, maîtrise des volumes et des prescriptions – s’élèvent à environ 1,7 milliard d’euros pour 2017, selon le Leem, qui représente l’industrie pharmaceutique. La rémunération des pharmaciens a « baissé de 2% en 2015, de 1% en 2016 », et « une pharmacie ferme tous les deux jours », assure Gilles Bonnefond, qui entend faire pression à l’approche de la négociation pour une nouvelle convention quinquennale, qui s’ouvre le 22 février à l’Assurance maladie.
Selon une note de l’Union des caisses d’assurance-maladie, révélée ce jeudi par Les Échos, la politique du médicament devrait impacter les officines à hauteur de 123 millions d’euros. L’évolution de la marge sera « au mieux stable, au pire en décroissance de 2% ». Actuellement, les pharmaciens sont rémunérés en fonction du nombre de boîtes vendues et de la marge commerciale, une formule « inadaptée », selon le syndicaliste Gilles Bonnefond qui appelle à une réforme du métier et à « un changement de modèle économique ».
« On est un peu les boucs émissaires de la santé »
Dans une lettre au directeur général de l’Assurance maladie, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, a appelé « à une modification des conditions » de rémunération pour « limiter l’impact de la variation » des prix. Un changement à « mettre en place sur plusieurs années ». Elle a également rappelé les évolutions déjà intervenues, avec l’instauration d’un honoraire de dispensation pour chaque boîte de médicaments remboursable et d’une rémunération supplémentaire pour certains objectifs de santé publique.
Mais la ministre a invité l’observatoire de la rémunération des pharmaciens à « intégrer une analyse plus large de l’économie officinale », notamment les activités de parapharmacie. Une « insulte », selon Gilles Bonnefond, pour qui son métier ne consiste pas « à vendre des savonnettes ». « Le fait que l’on dise, ‘puisque vous vendez des shampoings, vous vous rattrapez’. Moi je n’ai pas fait pharmacie pour vendre des shampoing ! », s’offusque-t-il. « J’ai fait pharmacie pour accompagner les patients fragiles. On ne va pas m’expliquer que je vais me rattraper sur la crème anti-rides et les shampoings. Je trouve cela vexant et choquant ».
Il plaide pour des honoraires à l’acte (pour chaque ordonnance délivrée) et pour une rémunération forfaitaire pour le suivi des patients. « On est un peu les boucs émissaires de la santé », dénonce Marie-Claude Benoit, pharmacienne francilienne de 57 ans venue manifester. La France compte 22.000 officines qui salarient 120.000 personnes.