Des antirétroviraux administrés à des bébés allaités par des mères séropositives permettent une réduction importante du risque d’infection par le virus du Sida, selon une étude française.
Un traitement préventif administré à des bébés allaités par des mères séropositives permet de réduire considérablement le risque d’infection par le virus du Sida, selon une étude réalisée en Afrique etpubliée jeudi 19 novembre 2015 dans la revue médicale britannique The Lancet. Menée par deux chercheurs français, l’étude a permis de montrer qu’un traitement antirétroviral donné pendant toute la période d’allaitement préconisée par l’OMS, soit 12 mois au total, permettait de réduire le taux de transmission du VIH à 1,4%. Le taux le plus bas jamais observé dans une étude.
Même bien suivi, le traitement de la mère n’est pas suffisant
Ces travaux ont été effectués entre 2009 et 2012 sur plus de 1.200 enfants nés dans quatre pays africains (Burkina Faso, Afrique du sud, Ouganda et Zambie) de mères séropositives. Ces dernières n’avaient pas, à l’époque, accès à un traitement antirétroviral parce que leur niveau sanguin d’une variété de globules blancs, appelés « CD4″, cible privilégiée du virus, n’était pas encore effondré (taux de CD4 supérieur à 350 cellules par millimètre cube de sang).
Depuis 2013, l’OMS recommande que toutes les femmes enceintes ou allaitantes infectées par le VIH soient mises sous traitement quel que soit leur taux de CD4. Mais l’un des auteurs, le Pr Van de Perre (Inserm/CHU de Montpellier) relève que des études ont montré que le traitement de la mère »même parfaitement suivi (…) n’éradique pas complètement le risque de transmission du VIH par l’allaitement ». Ce risque résiduel est selon lui de 0,2% par mois d’allaitement, soit 2,4% si la durée d’allaitement est de 12 mois. Il ajoute que même lorsque le traitement antirétroviral leur est proposé pendant la grossesse ou l’allaitement, « à peine la moitié des femmes » africaines sont encore sous traitement un an plus tard. Les bébés inclus dans l’étude ont été traités pendant 12 mois. Ils ont reçu, soit une combinaison de lopinavir-ritonavir, soit de la lamivudine, des antirétroviraux utilisés pour empêcher la transmission du VIH par le lait maternel. 17 infections ont été observées au total (huit dans le premier groupe et neuf dans le second), soit un taux d’infection de 1,4%, mais ce taux est encore plus faible (0,5%) pour les enfants ayant effectivement pris le traitement.
Un risque de transmission à ne pas sous-estimer
« Près de la moitié des infections sont survenues après six mois d’allaitement, lorsque l’exposition au VIH était déjà réduite en raison d’un allaitement moins important », notent encore les auteurs de l’étude. « Ceci confirme que le risque de transmission par l’allaitement est bien présent, même dans les phases tardives de l’allaitement et que donc le traitement préventif doit être administré pendant toute la durée de l’exposition », ajoutent-ils. L’allaitement maternel peut difficilement être remplacé dans la plupart des pays d’Afrique sub-saharienne par du lait artificiel car il expose à un « risque de mortalité important », notamment en raison de mauvaises conditions d’hygiène pour préparer le lait, note l’ANRS (agence nationale de recherche sur le Sida) promoteur de l’essai. Des molécules anti-VIH injectables à longue durée d’action pourraient ainsi faciliter le traitement préventif des bébés, note Nicolas Nagot, co-auteur de l’étude.